Par Alain Fride, diplômé en maîtrise d’histoire africaine à l’Université Paris I.
Contenu
La formation du peuple cap-verdien : la rencontre de deux mondes. 1
1, Les Empires en Afrique de l’Ouest au 15ème siècle. 1
2, Les grandes découvertes des navigateurs portugais. 5
3, Les traces de l’esclavage à travers le patrimoine du Cap-Vert 8
4, Le brassage de la population, 12
5, L’acculturation des africains. 13
7, Les autres métis/créoles sur les côtes d’Afrique de l’Ouest 17
L’archipel des îles du Cap-Vert est formé d’une dizaine d’îles qui se présentent en chapelet en forme de « > » avec pour la partie nord, les îles sous le vent et pour la partie sud, les îles sur le vent.
Les îles ne possèdent pas de traces archéologiques d’une occupation humaine et d’animaux antérieurs à l’arrivée des portugais. On émet l’hypothèse que des pêcheurs lébous du continent à 500 km en face ainsi que des berbères des îles Canaries auraient pu séjourner ponctuellement sur les îles.
L’archipel du Cap-Vert
L’île principale de Santiago, la première occupée, occupa une position d’escale de ravitaillement en provisions et de hangar à esclaves pour les bateaux en partance vers les Amériques.
Le commerce de la traite négrière transatlantique a vu naître la formation d’un peuple ex-nihilo. Composé d’européens pour la plupart portugais (soldats, marins, nobles navigateurs, commerçants et prisonniers de droit commun envoyés pour coloniser et de navigateurs vénitiens) et d’africains réduits à l’état d’esclaves ou commerçants ou notables, le peuple créole cap-verdien est né d’une rencontre et d’un métissage de peuples. En présence, des Etats avec une forte culture et une histoire dense tant du côté africain qu’européen.
1, Les Empires en Afrique de l’Ouest au 15ème siècle
L’empire du Dyolof
Dans les limites approximatives du Sénégal actuel se situait l’Empire du Dyolof dont le fondateur était Ndiayane Ndiaye (fin du 13ème siècle). La langue était le wolof qui appartient comme le peul, le sérére et le diola (adjamante) au groupe de langues ouest-atlantiques. Le titre du roi était « Bourba » et la capitale à l’époque était à Thieng.
L’Empire du Dyolof
Sa formation résulte, comme tous les autres empires d’Afrique de l’Ouest, de la vassalisation des royaumes voisins par les guerres et les pactes. Dans chaque province ainsi constituée sont envoyés des gouverneurs qui prennent le titre de Boumoy et des collecteurs d’impôt appelés djagaraf. Cependant, les anciennes familles régnantes gardent leurs prérogatives dans la plupart des villages.
Après avoir englobé la presque totalité du nord et du centre de la Sénégambie, l’empire du Dyolof s’effondra sous l’attaque de ses royaumes vassaux. En 1549, le dernier empereur du Dyolof, Lélé Fouli Fak Ndiaye, fut tué lors de la bataille de Danki, qui se déroula près de Diourbel, dans l’ancienne région du Baol. Son vainqueur, Amari Ngoné Sobel Fall, était le fils du chef du royaume du Cayor qui s’était révolté face au Bourba sur les questions d’impôts. Le roi du Cayor, appelé le Damel, avait rencontré le vénitien Alvise Cadamosto, premier à entrer en contact avec les rois africains, en 1457. Celui-ci lui offrit des cheveaux et des ducats et le Damel en échange une fillette de 12-13 ans pour « le service de sa chambre ».
Le Fuuta-Toro ou Tekrur
Au Nord, le long du fleuve Sénégal, se situait le royaume du Fouta-Toro qui ne prendra son indépendance du Dyolof qu’un siècle plus tard avec les conquêtes du peul Koli Tengella Ba (mort en 1537) fondateur de la dynastie des Denyankobés au Sénégal et de l’établissement des peuls au Fouta Djalon, dans la Guinée-Conakry actuelle.
L’empire du Mali
Le Sud, à partir du fleuve Gambie, jusqu’à la Casamance est sous l’influence de la civilisation et des langues mandingues. Il s’y exerce la suzeraineté de l’Empire du Mali (fondateur Sundjata Keïta à la bataille de Kirina vers 1215) mais celui-ci s’affaiblit à la fin du 15ème siècle au profit des Songhay (prise de Djenné par Sonni Ali Ber en 1470). La dynastie des Askias Songhay elle-même eu à subir une invasion et une occupation marocaine de Tombouctou et de sa région pendant une cinquantaine d’années. Le pacha Djouder qui a mené l’expédition marocaine du sultan Ahmed al-Mansour Saadi défit l’armée Songhay à la bataille de Tondibi en 1591.
L’épicentre de l’Empire du Mali avant l’arrivée des portugais se situait dans les villes commerçantes et musulmanes le long du fleuve Niger : Niani, Dia, Djenné, Mopti, Tombouctou et Gao. La richesse des empereurs, les Mansa, provenait du commerce de l’or. Le célèbre pèlerinage de Mansa Moussa à la Mecque fit dévaluer le prix de l’or sur plusieurs années après son passage au Caire en 1324. Les esclaves aussi figuraient dans le commerce transsaharien qui reliait les villes du Niger à la Méditerranée. Les caravanes des Maures et des Touaregs assuraient le relais. Ces derniers échangeaient l’or, les esclaves (la traite transsaharienne qui laissera des traces comme les gnawa qui parlent le mandingue au Maroc) et d’autres produits contre principalement le sel des mines de Teghazza et les barres de cuivre des mines d’Agadez.
Le Mali dans l’esprit des européens était associé à l’or. En démontre l’atlas catalan représentant le roi du Mali tenant une pépite d’or dans la main. L’or, collecté par les populations restées farouchement animistes et autonomes des régions du Bouré et du Bambouk, acheminé dans les villes du fleuve Niger par les commerçant musulmans wangara (d’origine soninkés, fondateurs du premier empire ouest africain appelé Ghana par les auteurs arabes et Wagadou par les soninkés et qui eu son apogée du 9ème au 11ème siècle), puis transporté jusqu’à Venise par les commerçants arabo-berbères (Maison des Maures à Venise) a servit au développement financier de l’Europe du Moyen-Age. Les vénitiens et les lombards furent les premiers banquiers car il thésaurisaient cet or. Ils purent aussi ainsi financer et participer aux grandes expéditions maritimes du 15ème siècle.
Le roi du Mali, Atlas Catalan du 14ème siècle (tient une pépite d’or à la main)
Sur les fleuves Casamance et Gambie s’installeront au 16ème siècle les commerçants soninkés, diakhankés, mandinka, dioulas et peuls souvent marabouts. Ils sont les pourvoyeurs et vendeurs aux européens des colonnes d’esclaves. Les femmes et les enfants sont pris dans toute l’Afrique de l’Ouest au fil des guerres entre royaumes et des expéditions de capture dans les villages reculés et isolés. Les scarifications, sortes de cartes d’identités, ont été revivifiées à cette époque. Des phénomènes d’alliances matrimoniales très larges se mettent en place pour limiter la mise en esclavage (exemple de notables ayant plusieurs dizaines de femmes). Des enfants sont vendus pour un peu de nourriture en cas de disette.
Les peuples de la côte
Sur la côte atlantique vivaient les lébous, qui parlent le wolof et qui tirent leur subsistance de la pêche et les Sérères qui furent les premiers habitants de la région. Les villages de Dakar, Ndar (Saint-Louis), Rufisque et Joal existaient déjà et ce sont leurs habitants qui ont eu les premiers contacts avec les navigateurs portugais.
Les maures
Dans les îles Canaries, plus au Nord, vivaient des populations d’origine Berbère. Elles ont peut être séjourné au Cap-Vert (gravures sur des roches pouvant ressembler à du Tifinagh). Sur le continent, au nord du fleuve Sénégal, c’est le désert habité et traversé par les tribus maures Les tribus sanhadja et parmi elles les lemtouna (les porteur du Litam, le turban musulman) furent les initiatrices du mouvement religieux et politique Almoravide. Son expansion ira de l’Empire du Ghana/Wagadou (saccage de la capitale Kumbi Saleh en 1075) jusqu’à l’Espagne. Il est à noter que malgré es multiples incursions et razzias des arabo-berbères les Empires Ouest-africains restent indépendants. Le commerce transsaharien entre en concurrence avec les marins portugais qui contournent ces routes par la mer.
Les routes commerciales à travers le Sahara au Moyen-Age
2, Les grandes découvertes des navigateurs portugais
Les rois du Portugal qui se libèrent de l’Espagne et de la domination marocaine sur la Méditerranée, mènent dans le milieu du 15ème siècle des dizaines d’expéditions maritimes dans les mers lointaines. La caravelle et le sextant, innovations techniques d’origine arabe, permettent le voyage au long court tout comme la poudre à canon venue de Chine permet quant à elle d’assurer la supériorité militaire.
Eau forte représentant une caravelle portugaise
C’est sous l’Infant Henri le Navigateur (1394-1460) que les côtes africaines sont abordées par des navigateurs, portugais et vénitiens. L’Infant avait été sous son père nommé gouverneur de Ceuta en 1415 (enclave portugaise gagnée sur le sultanat Mérénide de Fès à la bataille de Tabfarila en ). Dans le port de Sagres au sud du Portugal, il crée comme on dirait aujourd’hui un « pôle scientifique » et de construction navale en s’entourant des meilleurs géographes, mathématiciens et navigateurs de l’époque. Parmi les premiers navigateurs qui sont accostèrent sur les îles et côtes africaines figurent Gile Eanes, écuyer du roi Henri, Antonio Noli d’origine vénitienne, Diego Gomes, Diego Dias, Diogo Afonso, Bartolomeu Dias et Alvise Cadamosto d’origine vénitienne.
L’Infant Henri le Navigateur
Les étapes de l’installation portugaise
1434 : franchissement du Cap Bojador et découverte des îles Cap-Vert par Bartolomeu Dias (né à Mirandela, Algarve en 1450 et mort au Cap de Bonne Espérance en 1500).
Les navigateurs nomment cet archipel d’îles et la côte africaine 500 km en face le Cabo Verde, le Cap-Vert en référence aux côtes rocheuses et boisées. Des chèvres sont importées sur les îles qui causeront la déprédation des pâturages vierges auparavant de toute vie animale.
1444 : les portugais arrivent au Sénégal sur l’île de Gorée.
Carte des découvertes maritimes portugaises
1456 : Le vénitien Alvise Cadamosto commence à installer des européens sur les îles du Cap-Vert. Né et mort à Venise (1432-1488), il fut engagé par l’Infant Henri le Navigateur pour participer à de nombreuses expéditions dans les années 1430-1440 et plus tard il accompagnera Vasco de Gama dans son voyage autour du Pacifique ainsi que Cabral au Brésil. La même année, il prend contact avec le roi du petit royaume du Bati à l’intérieur des terres sur le fleuve Gambie. Lors d’une première tentative de contact dans l’estuaire du Saloum et du fleuve Gambie il fut repoussé. En 1457, il est reçu à la cour du Damel du Cayor.
Les premiers établissements européens dans la région se mettent en place dès 1460. Ainsi, un port est construit sur le Siin et le commerce y est fort actif. Les premiers points de traite sur la côte africaine apparaissent. La ville de Ribeira Grande avec son port-citadelle de Ciudad Velha sur l’île de Santiago est fondée en 1462 et divisée en 2 capitaineries. Elle sera la capitale de l’archipel de 1533 à 1770. Le fort d’El Mina sur la côte de l’Or (Ghana actuel) est construit en 1482.
Le Fort d’El Mina, Saint-Georges de la Côte.
En 1466, la couronne du Portugal donne aux colons le privilège du commerce des esclaves, de l’ivoire et des autres denrées. Ce qui ouvre la voie à l’installation durable d’européens sur le modèle féodal portugais.
3, Les traces de l’esclavage à travers le patrimoine du Cap-Vert
La mise en place du commerce de la traite
La traite consiste d’abord par des captures répétées de maures et de noirs. Par la suite, il s’agira d’achats d’après les chroniques de Guinée de Gomes Fanes de Zurara qui décrit les expéditions de 1447 à 1468. Les portugais commencent alors à commercer avec les rois du Dyolof.
En 1512 une chambre des députés est créée à Ribeira Grande. L’archipel est ainsi reconnu comme territoire dépendant de la couronne portugaise mais administré de manière autonome.
En 1525 est établis le régime lignagier des Morgadios, qui permet aux colons de s’approprier les terres et de se les accaparer créant un morcellement des terres cultivables déjà en faible nombre.
Les premières esclaveries apparaissent sur l’île de Gorée en 1536.
Très vite, le commerce prend de l’ampleur avec les plantations de coton et de canne à sucre. d’Amérique et l’engouement des européens pour les serviteurs noirs. Au plus fort de la traite, 1000 esclaves par an passaient par Ciudad Velha le port de l’île de Santiago. En 1550, 10% de la population de Lisbonne sont des esclaves noirs.
Une eau forte de 1646 de Cidade Velha par Caspar Schmalkalden.
L’influence de l’Eglise
Les uniques sources historiques sur la démographie durant cette période et qui ont été sauvées en 1917 suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat au Portugal, ce sont les livres de baptêmes.
Les autres archives : la douane (détruite en 1818 pour cacher les traces de l’esclavage), l’office notarial de Fogo (détruit au 17ème siècle). Les archives des services de l’administration civile sont uniquement disponibles à partir du 18ème siècle.
A la fin du 16ème siècle, 24 églises ont été construites au Cap-Vert. L’Eglise de Nossa Senhora da Conceiçao à Ribeira Grande de Santiago est la première cathédrale d’Afrique. Des fouilles dans les années 1990-2000 ont eu lieu dans la Chapelle de l’Esprit Saint, l’autel et le tombeau des évêques.
Ruines de la cathédrale de Santiago, première église en Afrique de l’Ouest construite au 16ème siècle
Aux 19ème et 20ème siècle, développement du protestantisme.
Le patrimoine colonial
A Ciudad Velha : le Fort de San Filipe ou Fortalezo Sao Felipe, construit après les attaques du corsaire anglais Francis Drake (1578-1585), le Palais de l’Evêque, l’Eglise, le cimetière, l’hôpital, la place du pilori pour supplicier les esclaves révoltés. La zone était assujettie aux raids des corsaires anglais, français et hollandais. Les îles seront d’ailleurs occupées alternativement par ces nations. La vie économique était centrée sur l’esclavage (arrivée des bateaux, approvisionnement en eau potable et en denrées, ventes d’esclaves et exploitations des êtres vivants).
Le pilori de Cidade Velha, lieu de martyre des esclaves
Au début du 16ème siècle, fondation de la ville de Sao Filipe au pied du volcan Fogo.
A Alcatraz : petites plantations, coton, sucre et élevage chevaux et chèvres dans les vallées et bords des fleuves car le climat est très sec de type sahélien.
Le patrimoine architectural « classique » d’origine portugaise :
- Résidences des Remediados,
- Sobrados des anciens propriétaires terriens (à Sao Filipe, maisons à balcons sur rue avec grandes vérandas s’ouvrant sur le patio),
Sobrados à Fogo
- Les grandes maisons des Majorats (régime féodal d’exploitation des terres avec une grande maison à deux étages et des patios de dépendance pour les cuisines, garde-manger etc..,
- Les chapelles gothiques du 15ème siècle et d’architecture franciscaine du milieu du 17ème siècle (N. Sao de Luz à Santiago).
- Les sculptures religieuses et les retables (patrimoine en danger).
- Les peintres « classiques » d’origine cap-verdienne : Simplicio Rodrigues de Brito au 18ème siècle).
4, Le brassage de la population,
Il se produit un métissage sur plusieurs générations. Les îles ont été délaissées petit à petit avec le déplacement de l’intérêt des portugais d’abord sur la Côte de l’Or (El Mina) puis pour l’Angola et le Mozambique. La population blanche baisse drastiquement à la fin du 16ème siècle et la proportion d’esclave baisse au profit des métis et des affranchis. Les composantes du peuple cap-verdien tel qu’on le voit aujourd’hui se forment alors. Les nombreuses famines dues au climat de sécheresse récurent ont eu des effets négatifs sur l’accroissement de la population (20 000 morts en un an au 18ème siècle).
Evolution de la population de 1463 à 1731
Année | Blancs et mulatos | Esclaves affranchis | Esclaves | Population totale |
1463 | 8000 | |||
3ème quart du 16ème siècle | 6000 (40%) | 4000 (26%) | 5000 (34%) | 15000 |
1582 | 1100 (7%) | 14600 (93 %) | 15700 | |
1731 | 0,8% de blancs (243) et 19,1 % de métis (5803) | 19 113 (62,9 %) | 5226 (17,2 %) | 30387 |
Les fouilles de l’Eglise de la Conception ont permis d’identifier les rapports sociaux de l’époque : la hiérarchie féodale est conservée. La tombe du notable Diego Dias Ramon et sa femme a été mise à jour, ainsi que celle de Fiero da Ruogo, armurier et négrier (inscription sur sa tombe qu’il a vendu des esclaves en Espagne). Les esclaves étaient inhumés dans l’Eglise. Une certaine reconnaissance sociale leur est donc permise et ils ne sont pas mis à l’écart de la société.
Au 18ème siècle les descendants des colons portugais, délaissés par la métropole, renoncent à la traite et utilisent les esclaves pour le travail de la terre. Les enfants métis sont pour la plupart issus de l’union entre un homme portugais et son esclave d’origine africaine.
Couple mixte au 18ème siècle au Brésil
5, L’acculturation des africains au Cap-Vert
Les africains sur les îles intègrent la culture portugaise
Avec l’influence de l’Eglise, les esclaves étaient obligés de se convertir, d’abandonner leur nom de famille africain et de prendre le nom portugais de leur maître créant ainsi des familles larges et recomposées.
Les noms de familles de Fogo par exemple sont tous d’origine portugaise et vénitienne : Amado, Galvao, Barbosa, Medina, Lopes de Andrade, Mendes, Da Jesus, Monteiro, Gomes Barbosa, de Macedo, Nosolini (vénitien), Ribeiro, Vieira, da Silva, Avelino, Monteiro Barbosa, Alves, Depina de Fogo.
Le cas de Caetano José Nosolini (1801-1850) : issu d’une famille d’origine vénitienne, il fut un esclavagiste métis mariée à une princesse guinéenne.
Les autres populations qui ont émigré au Cap-Vert
Au 19ème siècle, arrivée d’un aventurier français qui a créé des vignes et qui eu de nombreux enfants.
1800 arrivée de juifs marocains suite à des exactions contre eux au Maroc,
La deuxième vague la plus vérifiable de l’immigration juive vers le Cap-Vert est à partir des années 1820. Ces Juifs séfarades se sont librement installés au Cap-Vert après que le Portugal ait aboli l’Inquisition en 1821 et qu’il a signé un traité de commerce et de navigation en 1842 avec la Grande-Bretagne. Comme de nombreux Juifs marocains faisaient du commerce à Gibraltar, territoire britannique avoisinant, certains y avaient obtenu la nationalité et ont voyagé au Cap-Vert avec un passeport britannique. Les inscriptions en hébreu et en portugais sur les pierres tombales dans les petits cimetières juifs à travers les îles indiquent que la majorité venait des villes marocaines de Tanger, Tetuan, Rabat et Mogador (aujourd’hui Essaouira), portant des noms sépharades distinctifs tels que Anahory, Auday, Benoliel, Benrós, Benathar, Benchimol, Brigham, Cohen, Levy, Maman, Pinto, Seruya (Sérouya) and Wahnon (Ohanon).
Ces familles se sont principalement installées dans les îles de Santo Antao, Sao Vicente, Boa Vista et Sao Tiago et se sont lancées dans le commerce international, le transport, l’administration et d’autres activités commerciales.
Le village de Sinagoga et ses cimetières avec des tombes juives sur l’île de Santo Antao mais aussi une présence juive à Boa Vista, Santiago et Varveza à Praïa.
6. Le patrimoine d’origine africaine
La langue créole influencée par les langues africaines
La langue créole au Cap-Vert est la même que celle de Lisbonne, de la Guinéee-Bissao et les îles d’Aruba, Bonaire et Curaçao vers le Vénézuela (il s’agit là certainement d’esclaves en provenance du Cap-Vert). Chaque île du Cap-Vert a son parler et il peut y avoir des différences d’expressions. Le vocabulaire du créole cap-verdien est portugais mais les tournures de phrases et certains noms communs sont africaines, surtout d’influence wolof et mandingue. Ce qui peut porter à croire que c’est la langue des élites africaines des royaumes en face et pas forcément les esclaves qui venaient d’endroits très divers qui a le plus influencé le créole cap-verdien (langue parlée dans marchés aux esclaves et rôle des rois du Dyolof et des mandingues dans la traite).
Les artefacts d’origine africaine
Les maisons Funcos, de plan circulaire, comme les cases africaines surtout dans les îles ayant eu une présence importante d’esclaves comme Santiago et Praïa.
Funco
Les Panos de obra (pagnes tissés et teints d’indigo souvent selon les mêmes techniques que sur le continent mais avec des motifs d’inspiration portugaise et mauresque),
Pano de Obra
Les ustensiles (céramiques pindes, paniers en osier sungais), les instruments de musique pour le sont d’influence africaine et de diverses régions d’Afrique ou bien viennent du Brésil (tambours batuque, berimbau, cimboas et rebecos) et le jeu bancos de urim.
Exemple d’instrument de musique :
La cimboa est un instrument de musique originaire du Cap-Vert. Il s’agit d’un cordophone frotté, qui était traditionnellement utilisé pour accompagner les danses de batuque.
Sur l’origine exacte de l’instrument, on ne sait presque rien, sauf qu’il vient de l’Afrique continentale. Certains auteurs notent cependant la ressemblance de la cimboa avec des instruments africains situés à des milliers de kilomètres de distance, comme le kiki des Tédas et Dazagadas du Tibesti et de Borkou, le nini des Zaghawa, le fini des Kanembou, ou encore le kiki des Maba de la région de Ouaddaï.
Joueur de cimboa
7, Les autres métis/créoles sur les côtes d’Afrique de l’Ouest
En Guinée, Angola, Mozambique le même processus de colonisation et de changement de patronyme sans pour autant métissage. C’est aussi la conversion au christianisme de certains peuples : les noms de famille très répandus de Mendi et Gomis chez les Manjaks du Sud du Sénégal en est une trace.
Les descendants des brésiliens : Agouda au Bénin, Amaro au Nigeria ou Tabon (« Tout va bien” en portugais) au Ghana on désigne ainsi les descendants d’esclaves affranchis qui sont revenus du Brésil, libres, et se sont réinstallés à partir de 1835 suite à des révoltes au brésil dans les régions qu’ils savaient pour la plupart être celles de leurs ancêtres.
Les Agoudas du Bénin (7 à 10 % de la population) vivaient dans les ports de porto-Novo, Ouidah, Grand-Popo. Ces Afro-Brésiliens, De Souza, Da Silva, Paraïso, Da Piedade, Domingo, Gomez… sont les descendants d’anciens négriers portugais ou brésiliens ou descendants d’esclaves brésiliens revenus en Afrique. L’appellation Aguda provient probablement d’Ajuda qui est le nom que les Portugais donnaient à la ville d’Ouidah et où résidait beaucoup de “Brésiliens”.
Les Amaro, ainsi nommés, car probablement originaires de Santo Amaro da Purificação, commune réputée pour ses plantations, située dans les environs de la ville de Salvador de Bahia. Autre étymologie possible : Amaro viendrait du nom Maro donné dans les villes yoroubas au quartier des étrangers.
Gravure du 19ème siècle représentant le retour des brésiliens en Afrique
Les Signares (femmes peuls mariées à des européens) à Rufisque, Dakar, Gorée et Saint-Louis. Elles eurent aussi un rôle dans le commerce de la traite. Elle possédaient l’indépendance des femmes commerçantes.
Signare d’Hastrel 1839
A partir de 1813 en Sierra Leone, on y dépose les esclaves affranchis des bateaux arraisonnés suite au Congrès de Vienne qui interdisait la traite négrière. Ce qui ne va pas poser problème avec les populations autochtones et qui est une des raisons de la guerre civile vers la fin du 20ème siècle.
Le retour des Noirs nord-américains et la fondation du Libéria à partir de 1821 par The National Colonization Society of America, « la société nationale d’Amérique de colonisation », pour y installer des esclaves noirs libérés. C’est aussi le début de tensions entre les Américano-Libériens et la population autochtone. Indépendance du pays en 1847, premier pays indépendant Africain suite à la colonisation.
Des membres de La National Colonization Society of America, fondateurs du Libéria
On n’oubliera pas aussi les antillais, guyanais, réunionnais et autres peuples créoles de par le monde mais la liste est longue…
Merci de publié ces informations